Leadership : comment garder le cap quand tout bouge

05 mai 2025

L’arrivée au pouvoir de Donald Trump a complètement chamboulé l’ordre mondial, générant instabilité et volatilité sur les plans politique et économique. Pour traverser cette période d’incertitude, les gestionnaires doivent apprendre à naviguer en eaux troubles, ce qui passe par la réflexion stratégique, souligne Brian King, professeur agrégé au Département d’entrepreneuriat et innovation de HEC Montréal.

Brian King

« La dernière fois que nous avons connu de telles turbulences remonte sans doute aux années 1950, lors de la crise du Spoutnik. À cette époque, il planait une menace de guerre nucléaire. Depuis, nous avons traversé une période de relative stabilité. Or aujourd’hui, le réalignement des pouvoirs et des marchés s’opère avec une rapidité déconcertante », analyse Brian King.

Ce bouleversement n’est pas sans effets sur le commerce mondial ni sur les entreprises d’ici : il entraîne une explosion des coûts, des ruptures de stock et des pertes d’emplois. À cela s’ajoute une forte volatilité des marchés, eux-mêmes profondément déstabilisés.

« Tout cela génère un stress considérable pour les organisations. Les leaders doivent donc être en mesure de le gérer, de demeurer calmes et confiants face à la situation. Et c’est par la réflexion, le dialogue, la préparation et la planification que cela devient possible », soutient le professeur, qui enseigne aussi à l’École des dirigeantes et dirigeants HEC Montréal.

De l’importance de la réflexion stratégique

Alors que la planification stratégique devient plus essentielle que jamais, comment s’y prendre concrètement? « Définie simplement, la stratégie sert à déterminer où l’on veut aller et comment s’y rendre. Parfois, nos objectifs demeurent inchangés, mais si 90 % de nos activités dépendent du marché américain, il devient difficile de maintenir le cap. Cela signifie que nos concurrents seront, eux aussi, déstabilisés par ces changements », explique le professeur. S’il est impossible de prévoir l’imprévisible, certains outils permettent néanmoins de mieux naviguer dans l’incertitude. C’est le cas de la planification par scénarios : une grille d’analyse qui aide à envisager différentes hypothèses et à préparer une réponse adaptée à chacune d’elles.

L’expert donne en exemple la guerre des tarifs, marquée par les volte-face de l’administration Trump, provoquant en sorte de l’incertitude auprès des entreprises. « Il faut donc se demander ce que l’on fera selon que ces tarifs soient appliqués ou non. Que se passera-t-il si nos fournisseurs sont incapables de livrer? » soulève-t-il.

Cet outil, largement utilisé pendant la Deuxième Guerre mondiale, permet justement de déterminer ce qui est probable et de s’y préparer. « Pour déterminer comment atteindre nos objectifs, il faut élaborer plusieurs scénarios, en fonction des fournisseurs, des employés ou des marchés. » Il ne s’agit pas de se préparer à toutes les éventualités, mais bien de cibler les plus plausibles. « Sinon, on risque davantage la paralysie que l’agilité », ajoute le professeur.

Ce type d’exercice permet aussi d’envisager le pire et, dans bien des cas, de poser des gestes concrets pour en atténuer les conséquences. « Certaines entreprises devront malheureusement fermer leurs portes, mais, parfois, c’est le manque de planification qui les mène à la faillite. Lorsqu’on sait qu’on fonce droit dans un mur, il existe parfois des solutions pour assurer la survie de l’organisation, que ce soit en vendant l’entreprise ou en tentant de redéfinir sa trajectoire. »

Prendre ce type de décisions exige un véritable courage managérial, une compétence essentielle à cultiver chez les leaders, note Brian King. « Face à leurs équipes, les gestionnaires doivent faire preuve non pas d’un optimisme de façade, mais d’honnêteté, et être en mesure d’expliquer clairement la direction que prend l’organisation. Il est crucial de maintenir une relation de confiance avec les employés, même lorsqu’il est possible que certains ne soient plus là dans six mois. » La gestion des ressources humaines s’avère donc un défi particulier en période de turbulences.

L’autre aspect important concerne la gestion de la trésorerie, ajoute le professeur. « Dans chacun des scénarios, il faut s’assurer qu’il y aura toujours suffisamment de liquidités pour payer les factures. Dans ce type de contexte, l’enjeu principal pour une entreprise n’est pas de réussir, mais de survivre. »

La formation, un incontournable

Les gestionnaires, en particulier dans les PME, ne sont pas toujours habitués à mener ce type de réflexion stratégique. D’où l’importance de la formation continue, souligne Brian King. Le programme L’essentiel du MBA, offert à l’École des dirigeantes et dirigeants HEC Montréal, aborde justement ces questions et propose des outils concrets pour mieux naviguer en période d’incertitude.

Revenir aux bases demeure primordial pour bâtir une organisation plus résiliente. « Il existe de nombreux outils stratégiques qui valent la peine d’être maîtrisés, comme l’analyse de l’industrie, le positionnement stratégique ou encore les méthodes d’innovation dans le modèle d’affaires », explique Brian King. Car il ne faut pas l’oublier : chaque crise porte en elle des occasions à saisir.

Plusieurs programmes courts peuvent aussi s’avérer utiles pour apprendre à diriger une équipe en période de changement ou pour renforcer ses compétences en leadership.

« La formation permet de prendre du recul sur ses pratiques, poursuit le professeur. Les bons gestionnaires développent une discipline : celle de ne pas uniquement travailler dans l’entreprise, mais aussi sur l’entreprise. Cela implique de s’extraire régulièrement du quotidien pour réfléchir à la stratégie. » Ces espaces de formation offrent également l’occasion d’échanger entre pairs, ce qui enrichit les réflexions et favorise la prise de hauteur.

« Avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, nous avons atteint un point d’inflexion : les grands acteurs mondiaux sont en pleine réorganisation, un peu comme ce fut le cas lors des deux guerres mondiales. Aucun gestionnaire n’échappera aux répercussions de ces bouleversements. Dans ce contexte, il faut accorder encore plus d’importance à la planification », insiste-t-il. D’où la nécessité, pour les leaders, d’élargir constamment leur répertoire d’outils et d’approches.

Pour aller plus loin

Envie de développer vos compétences pour mieux gérer en temps de crise? L’École des dirigeantes et dirigeants HEC Montréal propose plusieurs programmes conçus pour outiller les gestionnaires, dont :

D’autres formations permettent d’apprendre à gérer son équipe en contexte de changement, d’augmenter son influence en situation de crise ou de mieux communiquer en situation délicate de gestion.