04 décembre 2024
On entend de plus en plus parler de leadership climatique ou environnemental. De quoi s’agit-il exactement? Comment cela s'incarne-t-il au sein des entreprises? Surtout, comment les gestionnaires sont-ils de véritables moteurs de changement face à l’urgence climatique? Le point avec Dominique Anglade, professeure associée à la Direction de la transition durable, et Yves Plourde, professeur agrégé au Département de management, tous deux à HEC Montréal.
Si aujourd’hui, les organisations sont conscientes qu’elles doivent agir pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES), elles doivent aussi s’adapter aux changements climatiques et réduire les effets négatifs qu’ils peuvent avoir sur leurs activités, explique Yves Plourde. « Le défi, c’est qu’il faut repenser l’ensemble des activités de nos sociétés. Or, tant les individus que les gestionnaires et dirigeants se demandent par où commencer. »
En plus d’actions à long terme, de petits gestes peuvent être posés dès maintenant pour améliorer le bilan environnemental de son entreprise, des notions que le professeur enseigne dans les formations qu’il offre à l’École des dirigeantes et dirigeants HEC Montréal. « C’est là que la question du leadership prend toute son importance », poursuit-il. En effet, pour amorcer le mouvement, il faut être capable d’influencer le cours des choses et de mobiliser les autres. Un rôle qui n’est pas réservé qu’aux dirigeants, puisque tous les employés peuvent devenir des agents de changement et agir dans le cadre de leurs propres fonctions. « On associe souvent le leadership aux personnes en position d’autorité, mais tout le monde, à sa façon, peut être un leader. »
De son côté, Dominique Anglade préfère parler de leadership durable. Car, rappelle-t-elle, les changements climatiques ne sont qu’un seul des enjeux auxquels il faut s’attaquer, au même titre que l’acidification des océans ou la perte de biodiversité. « Le leadership durable inclut non seulement tous ces aspects, mais aussi un volet humain. C’est une façon de diriger qui se veut inclusive. » Autrement dit, le leadership durable permet de mettre la viabilité écologique et l’équité sociale au cœur des stratégies de l’organisation.
S’outiller pour influencer
Les leaders ont non seulement la capacité d’insuffler une vision, mais aussi celles d’outiller leur équipe afin que tous ses membres atteignent les objectifs fixés et de motiver leurs collaborateurs, soutient Dominique Anglade. « Ultimement, ce qu’on veut, c’est de passer à l’action, d’avoir une influence auprès du conseil d’administration ou du comité de direction pour faire atterrir des projets qui ont des répercussions positives sur les questions environnementales et sociales. » Pour cela, la crédibilité et la cohérence du gestionnaire sont essentielles.
La connaissance des enjeux est également cruciale, note Yves Plourde. « Le phénomène des changements climatiques est complexe, et bien que tout le monde en ait entendu parler, peu de gens en comprennent réellement les causes et les implications, donne-t-il en exemple. Pour poser des actions qui auront un résultat tangible, il faut avoir une bonne compréhension de la situation. Sinon, on risque d’arriver avec de fausses solutions. Pour exercer son leadership, il faut donc bien connaître son sujet, savoir quels sont les normes, les enjeux, les principaux problèmes. » Une bonne connaissance de soi, de ses limites, de ses croyances et de ses valeurs est aussi importante, juge-t-il.
De plus, ces questions sont tellement vastes que les organisations ne savent pas toujours par où commencer et les gestionnaires se sentent souvent dépassés par l’ampleur du défi. Or, certains outils, comme la « matrice de double matérialité », peuvent les aider à y voir plus clair, mentionne Dominique Anglade. Cette grille d’analyse permet de cerner les risques ainsi que les impacts environnementaux et sociaux les plus importants pour l’entreprise, tout en évaluant l’influence de ses activités sur les communautés et la planète. On peut ensuite déterminer ceux qui sont les plus importants et établir des priorités d’action.
Pour avancer, il faut aussi cibler les nœuds qui nous empêchent de progresser, par exemple les difficultés de compréhension de la haute direction ou le manque de formation de l’équipe. Ces obstacles, il est justement possible de les surmonter grâce aux formations offertes à l’École des dirigeantes et dirigeants HEC Montréal ou au coaching, croit la professeure associée.
Choisir la direction
Ces changements s’opèrent rarement en vase clos et nécessitent aussi d’impliquer toutes les parties prenantes, mentionnent les deux experts. « Par exemple, pour une entreprise du domaine de la construction, le choix des matériaux, les fournisseurs, la façon de livrer ses services, la gouvernance, la gestion des employés et leur implication : tout doit être réfléchi en fonction de l’environnement et des impacts sociaux, détaille Dominique Anglade. C’est vrai pour tous les processus qu’on met de l’avant. »
Cependant, revoir ses façons de faire requiert de bonnes capacités relationnelles, des aptitudes à gérer le changement et des habiletés politiques, notent les deux professeurs. « C’est d’autant plus vrai dans un monde polarisé, où il faut savoir transiger avec des personnes ayant des valeurs ou des idées très différentes des nôtres, souvent bien ancrées, souligne Dominique Anglade. Comment développer un leadership durable dans un tel contexte? C’est ce que nous abordons en formation. »
Pour cela, il peut être utile de créer des espaces courageux de discussion, plutôt que seulement sécurisants. « L’objectif est de permettre aux employés de s’exprimer sans jugement, tout en étant capables d’aborder des sujets difficiles, parfois inconfortables, mais essentiels pour progresser collectivement », ajoute-t-elle. Ce faisant, les enjeux importants ne sont pas balayés sous le tapis, faute d’être nommés.
Bref, les organisations qui réussiront à prendre un virage vers le développement durable auront une longueur d’avance sur la concurrence. « Il n’est jamais trop tard pour commencer, mais il vaut mieux faire de petits pas dès maintenant que d’être forcé de prendre les bouchées doubles demain », conclut Yves Plourde.
Pour aller plus loin
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