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28 février 2024

Composée de personnes nées entre 1997 et 2010, la génération Z débarque sur le marché du travail. On lui prête plusieurs caractéristiques : les Z seraient réfractaires au compromis, feraient passer leur vie personnelle avant leur carrière et entreraient souvent en conflit avec les générations précédentes. Ces clichés représentent-ils la vérité? Quelle influence l’arrivée massive des Z dans le marché de l’emploi aura-t-elle sur les entreprises et sur les gestionnaires?

Pour discuter de ces enjeux, l’École des dirigeants de HEC Montréal a accueilli, en collaboration avec La Presse, le webinaire La génération Z : une révolution inévitable dans le monde du travail? Animé par François Cardinal, éditeur adjoint et vice-président Information de La Presse, l’événement regroupait trois panélistes :

  • Marie-Antoinette Diop, directrice, stratégies et politiques, à l’Association des brasseurs du Québec et elle-même membre de la génération Z;
  • Sarah Legendre Bilodeau, présidente fondatrice de Videns Analytics, une firme spécialisée en valorisation de données et en intelligence artificielle, et chargée de cours à HEC Montréal;
  • Alain Gosselin, professeur émérite à HEC Montréal spécialisé en leadership, en développement organisationnel et en gestion des talents.

Les forces et les faiblesses des Z


La génération Z arrive sur le marché du travail avec des compétences technologiques cruciales, à un moment où l’intelligence artificielle engendre de sérieuses questions éthiques. Les Z font aussi preuve de créativité, d’adaptabilité, d’inclusivité et d’un esprit de collaboration dont les organisations ont bien besoin.

« Si vous voulez faire fuir les Z, dit Alain Gosselin, présentez-leur une organisation en silos, très sclérosée. Ils veulent un terrain de jeu ouvert, des possibilités de grandir. »

En revanche, les gestionnaires qu’Alain Gosselin conseille lui disent que les Z manquent de préparation pour interagir efficacement avec des collègues, recevoir de la rétroaction qui ne soit pas entièrement positive ou se faire dire non. Tout un défi!

Une génération plus exigeante que les autres?


Les Z recherchent de bonnes conditions de travail, des équipes stimulantes et des organisations dont les valeurs sont alignées sur les leurs. Les Z exigent aussi des congés fréquents, des promotions rapides et du télétravail à volonté. Et rares sont ceux qui gardent le même emploi plus de deux ans.

Mais avant de blâmer un quelconque trait de caractère générationnel, il convient d’abord d’examiner le contexte de plein emploi dans lequel les Z arrivent sur le marché du travail, selon Sarah Legendre Bilodeau.

« C’est la première génération qui est en mesure de négocier sa bourse de stage, indique-t-elle. [Mes étudiantes et étudiants de maîtrise] venaient me voir avec cinq ou six offres. »

Et si les Z sont exigeants envers l’entreprise, ils peuvent l’être tout autant à leur propre endroit.

« Dans un contexte d’entreprise de service comme la mienne, la notion de facturer leurs heures aux clients peut présenter un défi pour certains de mes collègues proches de la génération Z. Ils ont besoin de se sentir 100 % performants en tout temps pour le faire! », mentionne Sarah Legendre Bilodeau.

Les effets néfastes de la pandémie


Plusieurs Z ont terminé leurs études sur Zoom et commencé leur premier emploi en télétravail, ce qui a eu des conséquences néfastes sur l’acquisition de compétences sociales.

« Il faut se voir en personne pour apprendre comment poser les bonnes questions, comment faire du réseautage ou simplement observer les personnes autour de nous », explique Marie-Antoinette Diop.

Un défi à ne pas sous-estimer, d’autant plus que les milieux de travail où les Z souhaitent interagir sont fréquemment vides… parce que leurs collègues télétravaillent.

Entreprise née virtuellement en 2018, Videns Analytics n’a ouvert son premier bureau qu’en 2023, notamment à la demande de son personnel Z, afin de favoriser l’apprentissage auprès des collègues.

« Le défi des entreprises sera d’offrir de la flexibilité et d’être performantes en mode hybride. Je ne suis pas sûre qu’on a trouvé la bonne formule », estime Sarah Legendre Bilodeau.

La réponse des gestionnaires


Les gestionnaires ont intérêt à reconnaître les points communs entre les demandes des Z et les intérêts de leurs collègues plus expérimentés, selon Alain Gosselin.

« Beaucoup des attentes des Z sont partagées par les autres générations », soutient-il, en citant la conciliation travail-famille et la responsabilité sociale des organisations quant aux changements climatiques. « L’avantage des Z, c’est le nombre : ils arrivent en masse sur le marché du travail en un court laps de temps. S’ils vont chercher des alliés, ils vont ouvrir le chemin. »

Marie-Antoinette Diop souligne quant à elle que certains des changements que les Z demandent aujourd’hui auraient été effectués il y a 30 ans si les générations précédentes avaient disposé du rapport de force nécessaire pour les imposer.

En revanche, les gestionnaires devront proposer des solutions différentes aux mêmes enjeux, selon les besoins de chaque membre du personnel.

« De façon générale, on se dirige vers un milieu de travail beaucoup plus personnalisé », affirme Alain Gosselin.

La santé mentale au travail


Les Z ne ressentent aucun complexe à parler de santé mentale. Même au travail.

De l’avis de Sarah Legendre Bilodeau, « c’est positif. Ce sont des personnes qui sont plus à l’écoute des signaux de détresse » et qui vont ainsi court-circuiter les problèmes avant qu’ils ne deviennent trop graves. À condition que la pression d’exceller, que les Z s’imposent de l’intérieur, ne vienne pas elle-même causer trop de problèmes d’anxiété…

Pour les gestionnaires, il s’agit cependant d’un terrain miné. « Les gestionnaires ressentent de profonds malaises par rapport à ces questions, dit Alain Gosselin. Ils ne sont pas préparés à cela, ils ne savent pas comment aborder le sujet pour être utiles. » Surtout lorsque les sources d’anxiété des jeunes, par exemple, ne sont pas directement liées au travail.

Alors, la révolution est-elle vraiment inévitable?


« Oui, parce qu’on est là pour challenger le statu quo et remettre en question les valeurs d’entreprise », avance Marie-Antoinette Diop.

« Oui, estime Sarah Legendre Bilodeau, parce que c’est par cette génération que les nouveaux métiers et les nouvelles professions de l’avenir intègrent les entreprises. »

Alain Gosselin préfère réserver son jugement : « Je pense que la génération Z a beaucoup d’atouts pour bousculer le marché du travail, et c’est le vœu de toute nouvelle génération, mais bien des facteurs pourraient ralentir sa capacité de le faire... »

À suivre!

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