Quand les technologies soulèvent des enjeux éthiques

03 février 2025

Les avancées technologiques transforment en profondeur les pratiques éthiques au sein des organisations, rendant le travail des experts en la matière plus complexe que jamais. Selon Joé T. Martineau, professeure agrégée au Département de management de HEC Montréal et formatrice à l’École des dirigeantes et dirigeants, cet enjeu figure parmi les défis majeurs à maîtriser en 2025.

Comment garantir la confidentialité des données de l’organisation et de ses clients? Quel rôle joueront les humains dans la surveillance des technologies comme l’intelligence artificielle (IA)? Jusqu’où pousser l’automatisation des tâches? À quoi ressemblera le monde du travail de demain et comment préserver les emplois? Ces interrogations figurent parmi celles soulevées par l’arrivée des nouvelles technologies – l’IA en tête – dans les organisations. « Ces innovations bouleversent complètement le monde du travail et sont loin d’être exemptes de risques, avertit Joé T. Martineau. Elles doivent donc être développées et implantées de façon très réfléchie afin d’éviter de tomber dans certains pièges qui affecteront non seulement les organisations, mais aussi la société dans son ensemble. »

D’où l’importance de ne pas négliger les enjeux éthiques liés aux technologies. « L’IA peut intervenir dans divers processus, que ce soit pour assister ou automatiser certaines tâches, poursuit la professeure. C’est notamment le cas dans le domaine de la santé : des robots utilisant l’intelligence artificielle assistent déjà les chirurgiens lors de certaines interventions. »

Cependant, Joé T. Martineau souligne que de nombreuses fonctions non génératives peuvent également soulever des questions éthiques. C’est le cas qui survient lorsqu’on fait un « double usage » de ces technologies. « Les drones commandés par l’IA sont une innovation très positive pour la société s’ils sont utilisés pour vérifier l’état des lignes électriques d’Hydro-Québec ou encore pour surveiller les feux de forêt dans le Nord canadien. Mais ces mêmes instruments peuvent aussi être armés et utilisés à des fins militaires. »

Une analyse sous différents angles


Avec l’émergence de ces innovations, le rôle des conseillers en éthique au sein des organisations évolue, observe Joé T. Martineau. « Les entreprises veulent éviter de faire des choix irréfléchis avec les technologies. Elles ne veulent pas développer ou acheter un produit qui aura des répercussions négatives sur leurs activités, leur réputation ou, pire encore, sur la confiance qui leur est accordée, un concept extrêmement important en matière d’éthique », explique-t-elle.

À l’interne, les responsables en éthique peuvent donc aider les organisations à repérer ces enjeux, à les cartographier et à mettre en place des mécanismes pour mieux les gérer. « Par exemple, si un système d’intelligence artificielle s’avère discriminatoire, comment peut-on corriger cela? Comment s’assurer que nos décisions ne sont pas biaisées à cause de la technologie? », détaille la spécialiste.

Ce sont précisément ces questions que les responsables en éthique devront aborder, en collaboration avec des personnes qui maîtrisent bien les aspects techniques et technologiques. « Ça ne se fait pas tout seul, poursuit-elle. Comprendre le jargon et établir un dialogue entre ces différentes expertises n’est pas une tâche simple. Il faut donc apprendre à travailler en multidisciplinarité. » Les conseillers en éthique doivent élargir leurs horizons pour avoir un portrait juste de la situation et éviter les angles morts.

« On doit être capable de questionner nos pratiques, de se demander pourquoi on fait les choses de telle manière, de cibler les risques qui sont associés aux technologies et d’amener les gens à réfléchir de façon plus large qu’ils ne le font habituellement », précise Joé T. Martineau. Il n’est donc pas nécessaire d’être un pro des technologies, mais plutôt de poser les bonnes questions et d’anticiper les répercussions sur les différentes activités de l’entreprise.

Si la fonction éthique et conformité s’est formalisée dans les grandes organisations il y a une quinzaine d’années déjà, dans les plus petites entreprises, ce sont souvent les dirigeants qui sont les gardiens de ces valeurs, note-t-elle. Or, il est possible de s’outiller pour faire face à ces enjeux, notamment grâce à la Certification en éthique et conformité offerte par l’École des dirigeantes et dirigeants HEC Montréal, qui aborde justement la question des technologies.

« Aujourd’hui, l’heure n’est plus à convaincre les dirigeants de l’importance de l’éthique en organisation. On doit maintenant apprendre à intégrer efficacement cette dimension dans la gestion globale de l’entreprise », souligne la professeure. Des enjeux qui risquent de faire encore couler beaucoup d’encre en 2025.

Pour aller plus loin


Envie de développer vos compétences pour mieux cerner et résoudre les dilemmes éthiques? L’École des dirigeantes et dirigeants HEC Montréal propose une Certification en éthique et conformité qui aborde différents aspects, incluant l’impact des technologies.