Naviguer dans la zone grise : éthique, déontologie et conflits d’intérêts
13 novembre 2025
Les conflits d’intérêts demeurent un défi constant pour les institutions publiques, les élues et élus ainsi que les organisations. Si certains sont faciles à encadrer, ceux liés à la fonction se révèlent souvent plus complexes à déterminer et à gérer.
Trois convives de marque ont exploré le thème « Éthique et conflits d’intérêts : où tracer la ligne? », lors du 5@7 de la certification en éthique et conformité de l’École des dirigeantes et dirigeants HEC Montréal, tenu à Québec :
- Régis Labeaume, ancien maire de Québec et chroniqueur à La Presse
- Antoine Robitaille, chroniqueur politique au Journal de Montréal, au Journal de Québec, de même qu’à TVA, LCN et QUB radio
- Ginette Depelteau, administratrice de sociétés et experte en éthique et conformité
L’évolution d’une notion incontournable
Pour Antoine Robitaille, la définition du conflit d’intérêts en politique a considérablement évolué depuis l’adoption, en 2010, du Code d’éthique et de déontologie des membres de l’Assemblée nationale : « On a alors clairement établi ce qu’est une situation dans laquelle les intérêts personnels d’un élu peuvent affecter son impartialité. »
Les décennies précédentes ont été marquées par des scandales – allant du financement politique opaque à la confusion entre intérêts publics et privés –, qui ont mené à une professionnalisation du cadre éthique. Même si les règles se sont renforcées, le chroniqueur note que la vigilance doit demeurer constante : « On n’est jamais à l’abri des dérives, surtout quand l’apparence de conflit suffit à miner la confiance. »
Entre ambiguïté et responsabilité morale
C’est précisément dans ces zones grises que s’exerce la véritable éthique : là où les règles s’arrêtent et où le jugement personnel prend le relais. Fort de ses 14 années à la tête de la Ville de Québec, Régis Labeaume a mis en valeur qu’il avait toujours décrété une tolérance zéro envers toute circonstance ambiguë.
Avec son franc-parler bien notoire, il a insisté sur l’importance de limiter les dérives liées aux conflits d’intérêts par une culture de prudence et de transparence. « Le devoir d’exemplarité impose des contraintes bien réelles, souvent méconnues du grand public », a-t-il souligné. La notion de jugement est ici essentielle, car certaines situations exigent une vigilance constante à chaque geste posé, tandis que d’autres sont extrêmement claires.
« Par exemple, on ne peut pas aller dormir sur un banc de parc à Montréal, il faut bien louer une chambre d’hôtel! », a-t-il lancé avec humour. Il a toujours refusé tout comportement pouvant être mal interprété, même le plus anodin, évoquant l’importance d’assumer soi-même ses dépenses dès qu’un doute quelconque de conflit d’intérêts peut exister : « Je payais mon vin, mon eau, mes repas, etc., je ne prenais pas de risque. »
La situation se complique toutefois dans les petites municipalités, où l’ambivalence des rôles et le flou entourant les responsabilités tendent à s’accentuer : « Quand une ville dénombre 2000 habitants, il est presque inévitable que le maire, le conseiller et l’entrepreneur soient liés par la famille ou l’amitié. » Pour lui, la clé réside dans la transparence totale et des signaux clairs à toutes les parties prenantes. « Le message doit être limpide : la réponse, c’est non. Il faut être implacable, du début à la fin. En matière d’éthique, la posture compte autant que les règles. »
Une démarche de discernement et de courage
Antoine Robitaille a, pour sa part, insisté sur la nécessité d’entretenir une culture éthique vivante et non simplement réglementaire. Selon lui, le rôle d’une ou d’un journaliste ne se limite pas à rapporter les faits : il consiste aussi à surveiller les personnes en position de pouvoir, à poser les questions qui dérangent et à rappeler constamment les principes qui doivent guider l’action publique. « Ce n’est jamais acquis, il faut la cultiver sans relâche », a-t-il souligné, évoquant la vigilance indispensable pour préserver la confiance du public.
Il a fait ressortir que l’éthique n’est pas une série de règles figées, mais une démarche quotidienne de discernement qui exige transparence, courage et constance – autant pour les personnes dirigeantes que pour celles et ceux qui les observent.
L’éthique : propre à chacune et chacun
La discussion a également mis en lumière la complexité et la dimension relative de la posture éthique. Comme l’a expliqué Ginette Depelteau, la déontologie renvoie à des règles et obligations précises, souvent dictées par un cadre professionnel ou législatif. L’éthique, elle, relève plutôt du jugement personnel, de la réflexion intérieure et des valeurs qui orientent nos choix.
« L’éthique, c’est ce qu’on fait lorsqu’il n’y a pas de règle écrite, quand on est dans la zone grise, a-t-elle résumé. Elle n’est pas universelle : elle est profonde, intime et propre à chaque individu. Deux personnes peuvent faire face à la même situation et arriver à des conclusions différentes, selon leurs repères et leur expérience. L’essentiel, c’est de se poser les bonnes questions avant d’agir. »
Se former pour mieux tracer la ligne
Ce débat salutaire illustre parfaitement la mission de la certification en éthique et conformité : former des leaders capables de conjuguer intégrité, discernement et courage moral dans des environnements de plus en plus complexes.
Cette conférence a été rendue possible grâce au soutien du membre fondateur et des partenaires de la certification en éthique et conformité de l’École des dirigeantes et dirigeants HEC Montréal : La Caisse, la Commission de la construction du Québec, Desjardins et KPMG, en collaboration avec Therrien Couture Joli-Cœur et la Faculté de droit de l’Université de Montréal.
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