Measuring Beyond 2025

06 mars 2025

Retour sur la 2e édition de la grande conférence Measuring Beyond

Que ce soit en repensant ses chaînes d’approvisionnement, en favorisant l’inclusion ou en misant sur l’accessibilité sociale, il existe différentes façons d’améliorer l’impact social des entreprises. Autant de sujets sur lesquels se sont penchés les quelque 200 participants à la grande conférence Measuring Beyond 2025, présentée par KPMG. Issu d’un partenariat entre HEC Montréal et la Saïd Business School de l’Université d’Oxford, l’événement est organisé par l’École des dirigeantes et dirigeants de HEC Montréal, en collaboration avec le pôle IDEOS.

Aujourd’hui, afficher ses politiques sociales devient presque un acte de résistance, a rappelé d’emblée Sandrine Rastello, journaliste et animatrice de la journée. En effet, l’administration Trump a mis la hache dans les programmes d’équité, de diversité et d’inclusion dans les agences fédérales américaines, entraînant à sa suite plusieurs organisations. Or, les entreprises ayant un modèle d'affaires responsable et inclusif s’avèrent indispensables pour répondre aux défis actuels, a-t-elle souligné, mettant la table à la journée animée par une dizaine des professeurs de HEC Montréal.

Le pouvoir de l’impact social

« Nous traversons une période d’incertitude à la puissance 10 », a commenté Guy Cormier, président et chef de la direction du Mouvement Desjardins. D’où l’importance, pour une organisation comme la sienne, de jouer un rôle de leader en matière de responsabilité sociale. « Cela signifie de continuer à montrer l’exemple et même de redoubler nos efforts. Lors de notre dernier comité de direction, on s’est dit qu’on voulait aller encore plus loin, en mettant des objectifs très précis de diversité pour nos fournisseurs », a-t-il illustré.

Fortement ancré localement, le modèle coopératif et mutualiste a un impact réel dans les communautés, ajoute Geneviève Fortier, chef de la direction de Promutuel Assurance, qui comptent treize sociétés mutuelles à travers le Québec. « Nous tentons de nous inscrire en complément aux organismes communautaires sur le terrain, pour qu’ils puissent décupler leur impact et étendre leurs services. »

Guy Cormier estime aussi que les organisations devraient repenser leur rapport à la performance en adoptant une vision de capitalisme partenaire. « Réfléchir à l’intérêt de l’ensemble des parties prenantes, et non seulement à celui des actionnaires, permet de concilier profitabilité et responsabilité sociale. Ainsi, les organisations qui adoptent ces principes sont généralement plus résilientes. »

En effet, les entreprises sociales, incluant coops et mutuelles, constituent un rempart en période de turbulences, a noté Chantal Line Carpentier, cheffe, commerce, environnement, changement climatique et développement durable, à l’ONU. « Elles créent de l’emploi, s’approvisionnent localement et répondent aux besoins des populations. Et, ce n'est plus marginal, puisqu’il y a maintenant 10 millions d'entreprises sociales dans le monde qui engagent 200 millions de personnes et qui ont des revenus de deux trillions de dollars. » Sans compter la représentation des femmes, un sujet de première importance pour tous les intervenants.

Dans ce contexte, les organisations doivent repenser leur rapport à la performance, notamment en adoptant une vision de capitalisme partenaire, souligne Geneviève Fortier. « En réfléchissant à l’intérêt de l’ensemble des parties prenantes, et non seulement à celui des actionnaires, cela nous force à concilier les notions de profitabilité et de responsabilité sociale. Et au final, les organisations sont non seulement plus responsables, mais plus résilientes en cas de turbulences. »

« Autrement dit, il faut persister et signer », a résumé Dominique Anglade, professeure associée à la Direction de la transition durable de HEC Montréal et animatrice de ce panel d’ouverture. « Plutôt que de reculer, vous avez plutôt décidé d’aller encore plus loin et plus vite en ce qui concerne les enjeux sociaux. »

Measuring Beyond 2025

Piloter l’inclusion et la diversité au quotidien

Au quotidien, il existe différentes stratégies pour intégrer diversité et inclusion dans une organisation. Par exemple, Énergir a ajouté ces critères à son tableau de bord de performance, comme l'a expliqué Véronique Desjardins, directrice exécutive, ressources humaines. « Ces indicateurs influencent la rémunération des cadres, donc impossible de les ignorer! »

De son côté, Pomerleau mise sur la sensibilisation, comme l’a expliqué Isabel Pouliot, vice-présidente exécutive, talent, culture et développement durable. « Nous avons mis en place du coaching expérientiel. Notre objectif était vraiment de toucher le cœur de nos gestionnaires et de les amener à réfléchir à des questions auxquelles ils n’auraient pas pensé autrement. »

Ce qui ramène à l’importance des leaders, notamment à titre d’alliés, selon Frantz Saintellemy, président et chef de l'exploitation de LeddarTech. « Ce n'est pas parce qu'on a atteint la parité au sein d'un conseil d'administration que la parole des femmes est nécessairement écoutée, a-t-il illustré. C’est le rôle du leader de s'assurer que tout le monde se sente à sa place. »

Bref, c’est en combattant les biais, en se montrant empathique et humble, qu’on peut créer un environnement où chacun peut contribuer à sa juste valeur, ont-ils souligné.

L’engagement des communautés : un élément clé

L'engagement des communautés est crucial, en particulier dans un contexte de collaboration avec les Premières Nations. Pour y arriver, les organisations doivent transformer leurs objectifs stratégiques en buts communs, a expliqué Marya Besharov, professeure à la Saïd Business School de l’Université d’Oxford. « Lorsque nous changeons de perspective pour penser à la fois au "nous" et au "eux", cela nous aide à aborder cet engagement très différemment. » Plus précisément, les entreprises devraient miser sur une relation transformationnelle, où la communauté est pleinement intégrée au processus décisionnel et partage les bénéfices.

C’est d’ailleurs l’idéal pour assurer un véritable partenariat gagnant-gagnant, une approche que tente de mettre en pratique Hydro-Québec, alors que la majorité de ses projets se situent en territoire autochtone, a rappelé Mathieu Boucher, directeur principal – Relations avec les Premières Nations et les Inuit. « Nous avons appris l'importance de créer une relation basée sur la confiance, l’importance de parvenir à une entente mutuellement avantageuse. Ce qui demande humilité, ouverture et adaptation. » La société d’État vient d’ailleurs d’adopter, fin 2024, une stratégie de réconciliation économique avec les Premières Nations, tentant de jeter ainsi les bases pour un partenariat plus équitable.

Surtout, il faut que les décisions soient libres, consentantes et éclairées, souligne Kate R. Finn, fondatrice et directrice exécutive de l’Institut Tallgrass. Des propos qui rejoignent ceux de Ghislain Picard, président sortant de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador. « Les peuples autochtones doivent retrouver leur dignité, alors que leurs préoccupations ont trop souvent été écartées. Pour cela, les communautés doivent être consultées dès qu’on commence à réfléchir à un projet et non quand il est prêt. »

L’importance de la dimension financière

La dimension financière est souvent négligée quand il s’agit de projets de nature sociale, note Ludovic Phalippou, professeur à la Saïd Business School de l’Université d’Oxford qui a présenté un exemple concret : celui de la construction de logements sociaux et abordables sur les terrains d’une ancienne prison, à New York.

Dans cette histoire, qui a fait l’objet d’un court métrage, on voit à quel point la discussion entre promoteurs et fonctionnaires pour obtenir des conditions justes fut ardue. La raison? L’obsession des administrations d’annoncer un « beau projet » plutôt que de négocier les meilleures conditions.

Or, une analyse rigoureuse est essentielle pour gérer adéquatement les fonds publics. C’est pourquoi le professeur plaide pour que les décideurs apprennent les rouages de la finance, notamment pour effectuer des modélisations financières, leur permettant ainsi de prendre des décisions éclairées et de négocier.

Influencer toute sa chaîne d’approvisionnement

Avec l’adoption de réglementations comme la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement en 2024, les entreprises doivent non seulement surveiller leurs propres activités, mais aussi celles de leurs fournisseurs.

Un exercice complexe, comme l’a souligné Marie-Claude Bacon, vice-présidente, affaires publiques et communications chez Métro. « Nous avons plus de 6 000 fournisseurs directs, mais ceux-ci en ont d’autres, et ainsi de suite. » Questionnaires, codes de conduite, utilisation de plateformes de vérification comme EcoVadis : les entreprises utilisent différents moyens pour mieux garder un œil sur leurs opérations à l’étranger.

« Quand on connaît tous les maillons de notre chaîne d'approvisionnement, on devient automatiquement plus résilient. On est plus au courant, on peut réagir, ou agir, plus rapidement s'il y a un problème. En fin de compte, cela nous rend beaucoup plus forts », a fait valoir Antoine Chagnon, président-directeur général de Lallemand.

C’est aussi un élément transformateur puisque les entreprises peuvent accompagner leurs fournisseurs pour se conformer aux réglementations et, par le fait même, améliorer leur bilan social, estime Hélène V. Gagnon, cheffe de la direction du Capital humain et du développement durable chez CAE. « Du point de vue environnemental, nous avons aidé nos fournisseurs à trouver des opportunités de décarbonation leur permettant de réduire leurs coûts, ce qui nous a permis d’avoir une meilleure vision d’ensemble de ces opérations. » C’est la même chose au point de vue social, fait-elle valoir. Plus qu’une question de conformité, les grandes organisations peuvent influencer toute leur chaîne d’approvisionnement. Un levier complexe, mais puissant.

Tous ensemble pour atteindre la carboneutralité

Aujourd’hui, l’indice de transition des entreprises se situe à 33 selon le Baromètre de la transition des entreprises du Québec 2024. « Cela signifie que les organisations mettent en œuvre le tiers des actions climatiques qui sont connues et souhaitables pour réduire les émissions de gaz à effet de serre », a expliqué Anne-Josée Laquerre, présidente et co-initiatrice de Québec Net Positif qui a présenté les résultats de cette étude menée par Léger aux participants.

« Pour atteindre la carboneutralité, il n’est pas nécessaire que toutes les entreprises soient carboneutres, a expliqué la spécialiste. De par leur nature, certaines organisations peuvent nécessairement faire plus que les autres. C’est donc en cumulant tous ces efforts qu’il sera possible d’y arriver. » Un objectif qui aura certes un effet positif sur l’environnement, mais aussi sur les humains qui doivent composer avec feux de forêt, inondations et autres effets des changements climatiques, conclut-elle.

Des outils pour façonner l’avenir

Les participants ont pu mettre en pratique leurs connaissances à travers une série de quatre ateliers, au choix, qui portaient sur des sujets comme l’intégration de la dimension sociale pour optimiser la performance de ses investissements ou l’identification et la gestion des risques éthiques de la chaîne d'approvisionnement. Autant d’outils pratiques pour aider les organisations à s’engager vers une transition durable. « Pour faire face à ce que nous vivons présentement, il faut non seulement s’asseoir sur ses convictions, mais aussi passer à l’action », a expliqué Luciano Barin Cruz, directeur et cofondateur du pôle IDEOS et professeur à HEC Montréal.

C’est ce qu’a fait HEC Montréal, qui a posé des gestes pour amorcer la transition durable, notamment en matière de gouvernance, en soutenant ces changements à l’interne et à l’externe, en montrant l’exemple et en générant de la recherche scientifique à ce sujet. « Mais le plus important, dit-il, c’est de bouger, même si nous ne sommes pas parfaits. Il faut accepter de se tromper et d’apprendre de nos erreurs pour s’améliorer. » De quoi inspirer et nourrir la réflexion jusqu’à la prochaine conférence de Measuring Beyond, qui se déroulera en 2026.

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